Le monde du travail est marqué par le recours à des machines[1] qui facilitent et optimisent les tâches quotidiennes. Cependant, ces outils, s’ils ne sont pas utilisés de manière adéquate ou si les mesures de sécurité ne sont pas respectées, peuvent devenir des sources de danger pour les travailleurs. Les accidents de travail liés aux machines représentent une réalité préoccupante au Sénégal, comme en témoignent les statistiques officielles.
Le rapport annuel des statistiques du travail (2021), commandé par la direction des statistiques du travail et des études, révèle qu’il y a eu 1320 déclarations d’accidents du travail (AT) et de maladies professionnelles (MP).
Parmi les causes de ces accidents, figurent l’utilisation de machines productrices et à main (1,44% des AT) et les machines de transmission (1,06% des AT)
Dès lors, comment prévenir les accidents de travail liés à l’utilisation des machines au Sénégal ?
Pour répondre à cette problématique, nous aborderons les points suivants : Le cadre juridique en matière de prévention des accidents de travail liés aux machines au Sénégal, les mesures techniques de préventions, les mesures organisationnelles de prévention mais aussi le rôle des acteurs impliqués dans la prévention.
1. Le cadre juridique en matière de prévention des accidents de travail liés aux machines au Sénégal
Le Code du Travail du Sénégal a posé un cadre juridique robuste en matière de prévention des accidents de travail liés aux machines. Les articles L. 171, L. 174 et L. 175 définissent les obligations de l’employeur et les mesures à mettre en œuvre pour garantir la sécurité des travailleurs.
L’article L. 171 pose le principe fondamental de la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité des machines. Il stipule que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que les lieux de travail, les machines, les matériels, les substances et les procédés de travail placés sous son contrôle ne présentent aucun risque pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Cette responsabilité se traduit par l’obligation d’employer des mesures de prévention à trois niveaux : mesures techniques, mesures d’organisation du travail.
L’article L. 174 impose à l’employeur l’obligation d’informer l’Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale de l’utilisation des procédés, substances, machines ou matériel spécifiés par la réglementation et susceptibles d’exposer les travailleurs à des risques professionnels. Cette information permet à l’Inspection du Travail d’effectuer des contrôles et de s’assurer du respect des mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur.
Enfin, l’article L. 175 souligne l’importance de la surveillance régulière des lieux de travail pour garantir la sécurité des machines et des installations.
Du côté européen, le règlement (UE) 2023/1230 sur les machines remplace la directive 2006/42/CE pour définir les règles de sécurité des machines, produits connexes et quasi-machines dans l’UE, assurant ainsi un niveau élevé de sécurité aux travailleurs et aux citoyens. Il vise également à faciliter la libre circulation de ces produits au sein du marché unique. Le règlement fixe des obligations pour les opérateurs économiques, des exigences essentielles en matière de santé et de sécurité, et établit des procédures d’évaluation de la conformité ainsi que des directives pour le marquage CE et les déclarations de conformité.
L’on voit ainsi que la vente et l’utilisation des machines sont bien encadrées.
2. Les mesures techniques de prévention
Les mesures techniques de prévention visent à réduire ou à supprimer les risques à la source, c’est-à-dire en agissant sur les machines elles-mêmes. Elles peuvent inclure :
-La mise en place de protections collectives, telles que des barrières de sécurité, des capots de protection ou des systèmes d’interverrouillage ;
-L’utilisation de machines conformes aux normes de sécurité et régulièrement entretenues ;
-La mise en place de signalisation de sécurité claire et visible.
3. Les mesures organisationnelles de prévention
Les mesures organisationnelles de prévention visent à réduire les risques liés à l’utilisation des machines en agissant sur l’organisation du travail et sur les comportements des travailleurs. Elles peuvent inclure :
-La formation des travailleurs à l’utilisation des machines et aux consignes de sécurité : une connaissance approfondie des machines et des risques associés à leur utilisation permet aux travailleurs d’adopter des comportements sûrs et de minimiser les risques d’accidents. Le contenu de la formation peut aborder la familiarisation avec les machines et leurs fonctionnalités, l’identification des risques potentiels liés à leur utilisation, l’apprentissage des consignes de sécurité et des procédures de travail, ainsi que la maîtrise des techniques de maintenance et d’entretien des machines. Il est également important d’accorder de l’importance à la formation continue, ce qui implique la mise à jour des connaissances en fonction de l’évolution des machines et des technologies, le renforcement des acquis et le maintien de la vigilance, ainsi que l’adaptation des formations aux besoins spécifiques des travailleurs.
-L’élaboration de procédures de travail claires et précises : en définissant les différentes étapes à suivre et en précisant les consignes de sécurité à respecter, ces procédures permettent de limiter les risques d’erreurs et d’accidents. Elles sont écrites et facilement accessibles aux travailleurs, concises et compréhensibles par tous, et peuvent être illustrées par des schémas ou des photos si nécessaire. De plus, elles sont régulièrement mises à jour en fonction des changements de machines ou de procédés. Les procédures de travail servent de référence pour les travailleurs lors de l’exécution des tâches, permettant une meilleure standardisation des pratiques de travail, facilitant la supervision et le contrôle du travail, et favorisant une culture de sécurité au sein de l’entreprise.
-La mise en place d’une surveillance régulière des machines et des lieux de travail : une surveillance régulière des machines et des lieux de travail permet de détecter et de corriger les anomalies susceptibles de causer des accidents. Cette surveillance doit concerner l’état des machines, la présence de protections collectives, l’organisation des espaces de travail et le respect des consignes de sécurité. Les outils de surveillance incluent des inspections visuelles régulières, des vérifications périodiques des machines et des installations, des tests de fonctionnement des protections collectives, ainsi qu’une analyse des incidents et accidents passés. Le rôle de la surveillance est de prévenir les pannes et les défaillances des machines, garantir la conformité des lieux de travail aux normes de sécurité, identifier les points d’amélioration et mettre en place des actions correctives, contribuant ainsi à une culture de prévention au sein de l’entreprise.
4. Le rôle des acteurs impliqués dans la prévention
La prévention des accidents de travail liés aux machines implique la collaboration de plusieurs acteurs, notamment :
-L’Inspection Générale du Travail et de la Sécurité sociale, qui a pour mission de veiller à l’application de la réglementation en matière de sécurité et de santé au travail. : au Sénégal, l’Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale contrôle le respect par l’employeur des dispositions en matière d’hygiène et de sécurité à travers l’article L 170 du code du travail. Lorsqu’il constate un manquement aux normes ou prescriptions ainsi édictées, l’inspecteur met en demeure l’employeur de s’y conformer. En outre, lorsqu’il existe des conditions de travail dangereuses pour la sécurité ou la santé des travailleurs, non visées par les décrets pris en application de l’article L. 168, l’employeur est mis en demeure par l’Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale d’y remédier. La mise en demeure doit être faite par écrit sur le registre de l’employeur ou par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle est datée et signée. Elle précise la nature des manquements ou des dangers constatés et fixe le délai dans lequel ils devront avoir disparu. Ce délai ne pourra pas être inférieur à 4 jours francs sauf urgence indiquée par l’Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale. Dans les conditions et selon les modalités fixées par le Code de la Sécurité sociale, l’employeur est tenu d’aviser l’Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale de tout accident de travail survenu ou de toute maladie professionnelle constatée dans l’entreprise. Cet avis est donné sans délai par tout moyen d’urgence en cas d’accident mortel.
-L’employeur, qui a la responsabilité de mettre en œuvre les mesures de prévention requises aux dispositions des articles L.170, L.171, L.172, L.173, L.174 et L.175 du code du Travail.
-Les travailleurs, qui sont tenus de respecter les consignes de sécurité et participer activement à la prévention ;
-Les représentants du personnel, qui ont le droit d’être consultés sur les questions de sécurité et de santé au travail selon L. 185 du code du Travail.
En définitive, la prévention des accidents de travail liés aux machines est un enjeu majeur pour la sécurité des travailleurs au Sénégal. Les dispositions concernant cette question dans le code du travail sénégalais établissent un cadre légal robuste. Leur mise en œuvre, via des mesures préventives efficaces, aide les employeurs à assurer la sécurité de leurs employés et à promouvoir un milieu de travail sain et sécurisé.
[1]
Les machines font partie des équipements de travail, lesquels englobent tous les matériels, appareils, engins, outils, installations ou machines employés dans le cadre professionnel (selon l’article L4311-2 du Code du travail)