Les chantiers de construction représentent des environnements particulièrement à risque en termes de sécurité au travail. Selon une étude récente, près de 15% des accidents du travail déclarés au Sénégal surviennent dans le secteur de la construction. Assurer la protection des ouvriers doit donc être une priorité absolue, d’autant plus que le Sénégal connaît un essor important des projets immobiliers et d’infrastructures. Le respect rigoureux de la réglementation et la mise en place de mesures de prévention sont cruciaux.
Formation et sensibilisation
Au Sénégal, le Code du Travail (Loi n°97-17 du 1ᵉʳ décembre 1997) dispose dans son article 171 que « l’employeur est tenu d’organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité et de santé au travail » pour tous les travailleurs. Cela inclut une formation complète initiale mais aussi des sessions de remise à niveau régulières sur l’identification des risques spécifiques au poste de travail et les procédures de prévention à appliquer. Le décret n°2006-1256 du 15 novembre 2006 précise les modalités de ces formations obligatoires.
Au-delà du cadre légal, il est essentiel d’encourager une véritable culture de la sécurité où chaque intervenant, de l’ouvrier au chef de chantier, est un acteur responsable et vigilant. Des briefings quotidiens permettent de maintenir un niveau de sensibilisation élevé.
Équipements de protection individuelle (EPI)
Le port d’équipements de protection individuelle adaptés aux risques de chaque poste de travail est rendu obligatoire par la loi n°2006-16 du 4 août 2006 portant Code du Travail au Sénégal. Cela comprend au minimum sur les chantiers :
- Un casque de chantier protégeant contre les chutes d’objets
- Des chaussures de sécurité avec semelles anti-perforation
- Des gants de protection contre les coupures, produits chimiques ou chocs
- Des lunettes de protection contre les projections
- Un harnais de sécurité pour tout travail en hauteur (échafaudages, toits, etc.)
Ces EPI doivent être homologués, maintenus en bon état, et portés convenablement pendant toute la durée de l’activité à risque conformément à l’arrêté ministériel n°4439 du 24 mai 1996. Le refus de porter les EPI prévus par l’employeur constitue une faute grave pouvant entraîner des sanctions disciplinaires d’après l’article 153 du Code du Travail.
Signalisation et délimitation des zones à risque
La réglementation sénégalaise exige une signalisation claire et normalisée sur les chantiers par l’arrêté interministériel n°2987 du 19 février 2003. Cela inclut :
- Des panneaux de signalisation temporaire facilement visibles signalant les risques spécifiques (chute, travaux, circulations de véhicules, etc.)
- Un balisage à l’aide de cônes, rubans, barrières pour bien délimiter les zones dangereuses comme les fouilles ou les risques de chute de hauteur
- Un contrôle strict des accès avec interdiction pour le personnel non autorisé de pénétrer dans les zones les plus à risque
Ces dispositions permettent d’alerter efficacement les ouvriers et de canaliser les circulations pour éviter les accidents.
Gestion des matériaux, déchets et gravats
La Loi portant Code du Travail et ses décrets d’application insistent sur la nécessité d’un rangement adéquat des matériaux et des déchets sur les chantiers pour prévenir les chutes d’objets et effondrements. Un plan de circulation et des aires de stockage bien définies pour les matériaux et les gravats doivent être mis en place.
Les procédures de manutention, d’entreposage et d’évacuation des matériaux et déchets doivent respecter les consignes de l’article 193 visant à « réduire les risques au minimum ». L’utilisation d’équipements adaptés comme les chariots élévateurs, les grues et les monte-charges est obligatoire pour la manutention conformément au décret n°2006-1257. Les aires de travail et de circulation doivent rester propres, dégagées et correctement éclairées en tout temps pour limiter les risques de trébuchement ou de chute d’objets.
Permis de travail et procédures
Pour les travaux particulièrement dangereux comme les interventions en hauteur, en espace confiné ou impliquant des sources de chaleur/énergies dangereuses, la réglementation sénégalaise prévoit un système de « permis de travail ». Celui-ci rassemble l’ensemble des vérifications préalables et des procédures de sécurité spécifiques à respecter avant d’autoriser le début des opérations.
L’arrêté n°9832 du 22 octobre 2008 définit les conditions d’obtention de ces permis qui peuvent porter sur la formation du personnel, les équipements de protection nécessaires, les mesures de confinement des risques ou les dispositifs d’évacuation d’urgence. Des check-listes exhaustives validées par un responsable sécurité sont obligatoires.
Interventions d’urgence
Malgré toutes les précautions, un accident grave reste toujours possible sur un chantier. Se préparer à ce type de situation est donc primordial. L’article 191 du Code du Travail stipule que « l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer une évacuation rapide des travailleurs en cas de danger grave et imminent ».
Cela implique de définir un plan d’urgence et d’évacuation clair, testé régulièrement, comprenant les numéros des services de secours, l’emplacement des issues de secours, des extincteurs et des trousses de premiers soins. Une partie du personnel doit également recevoir une formation aux gestes de premiers secours conformément au décret n°2006-1258.
Rôle de la médecine du travail
Enfin, la loi n°2006-16 prévoit la mise en place obligatoire de services de médecine du travail chargés du suivi médical des employés, mais aussi du contrôle et des conseils en matière d’hygiène et de sécurité sur les chantiers. Les médecins du travail effectuent des visites régulières pour vérifier le respect des normes et peuvent émettre des recommandations que les entreprises doivent suivre.
En respectant scrupuleusement ce cadre réglementaire strict, en formant et responsabilisant les équipes, et en développant une solide culture de prévention, il est possible de réduire significativement les risques sur les chantiers de construction au Sénégal. La négligence en la matière peut avoir de lourdes conséquences humaines et financières pour les entreprises. La sécurité doit rester la priorité absolue.
Responsabilités des différents intervenants
Au-delà du cadre légal, assurer un haut niveau de sécurité sur un chantier requiert l’implication coordonnée de tous les intervenants, chacun ayant un rôle et des responsabilités spécifiques.
Le maître d’ouvrage, en tant que donneur d’ordre des travaux, se doit de choisir des entreprises compétentes ayant les capacités techniques, humaines et financières pour mener le chantier en toute sécurité. Il doit également désigner un coordonnateur sécurité dès la phase de conception du projet pour identifier les risques et définir un plan d’exécution intégrant les mesures préventives.
L’entreprise générale, responsable de la bonne exécution des travaux, nomme un chef de chantier qui supervisera la mise en œuvre du plan de sécurité établi. Il coordonne les actions de prévention, s’assure de la formation du personnel, gère la signalétique, fournit les EPI et en contrôle le port effectif.
Chaque entreprise sous-traitante intervenant sur le chantier reste responsable de la sécurité de ses propres employés. Elles doivent appliquer strictement le plan d’exécution, réaliser leurs analyses de risques spécifiques et former leurs équipes en conséquence.
Enfin, un rôle majeur incombe aux ouvriers eux-mêmes qui doivent adopter un comportement prudent et responsable en suivant scrupuleusement les procédures, en portant les EPI requis et en signalant tout danger potentiel à leur hiérarchie.
Sanctions encourues
En cas de manquement aux obligations de sécurité, le Code du Travail sénégalais prévoit de lourdes sanctions à l’encontre des employeurs et des travailleurs :
- Amendes pouvant aller jusqu’à 1 million de francs CFA en cas de violation des règles de sécurité (art. 279)
- Peines de prison de 3 mois à 2 ans pour mise en danger délibérée (art. 280)
- Responsabilité pénale en cas d’accident grave ou mortel (art. 282)
- Fermeture temporaire ou définitive du chantier (art. 291)
De plus, les organismes de prévention comme l’Inspection du Travail et la Caisse de Sécurité Sociale peuvent dresser des mises en demeure, appliquer des majorations de cotisations voire des pénalités financières.
Les coûts humains, juridiques et financiers d’un accident sont donc extrêmement lourds. Investir dans la sécurité dès la conception des projets est un impératif aussi bien éthique qu’économique pour les entreprises de construction sénégalaises.